L’histoire du pistolet de Jean
J’ai commencé à m’intéresser de prés au combat d’Alet durant l’année 2000, à cette époque Roger Lagoute, du nom de maquisard « Montcalm », était le président de l’association des anciens du maquis Jean Robert et Faita. Il avait participé au combat et avait accepté de m’accompagner sur les lieux afin de m’indiquer l’endroit exact et la position précise de chaque assaillant.
Fort de ces renseignements précieux, j’y suis revenu plus tard seul avec mon détecteur de métaux, et j’y ai effectivement découvert des douilles de 9 mm et de 30US, ces munitions étaient utilisées par les Sten et les US Rifle 1908 parachutés aux maquis.
Pour affiner mes recherches et afin d’avoir une vision globale de l’endroit, j’ai réalisé quelques photos aériennes.
Mon but était de visualiser une carte précise du lieu.
Ensuite, je pris contact avec Jean Kohn, membre du commando, résidant à Paris, qui avait, lui-même, été parachuté au Clat dans la nuit du 10 au 11 août 1944.
Il avait participé au combat d’Alet. Il y fut d’ailleurs blessé par un éclat de grenade.
Jean Kohn est un juif français réfugié aux Etats Unis qui s’est porté volontaire pour les parachutistes afin de revenir pour continuer le combat.
Après un contact téléphonique, je lui envoyais une photo pour qu’il puisse me retracer la scène des combats.
Il me renvoya une image précise et renseignée avec sa propre position, celle des allemands ainsi que son axe de repli.
De retour sur le terrain, j’entrepris de nouvelles recherches, ayant correctement localisée la position de Kohn, rapidement quelques douilles de 9 mm américaines m’apparurent, ce qui était normal, le commando était équipé de pistolets mitrailleurs Marlin UD 42.
Lorsque mon détecteur sonna prés d’un petit chêne, après avoir dégagé quelques feuilles sèches et un peu de terre, j’y ai découvert, posé là , un pistolet.
J’ai examiné cette splendide découverte, il s’agissait d’un Colt 45 américain et je fis sur le champ le rapprochement avec ce commando américain ayant combattu à cet endroit 56 ans auparavant.
Après un nettoyage sommaire du pistolet, j’ai repéré le numéro de série et en ai informé Jean Kohn, nous avons convenu de faire des recherches afin de trouver à qui appartenait cette arme.
Lors d’un passage par Paris, je profitais de cette occasion pour prendre rendez-vous avec lui, celui-ci me confirma, que pour retrouver le propriétaire du pistolet, il suffisait de consulter les archives de l’OSS, chaque combattant recevait un état du matériel et certainement les archives en possédaient encore un exemplaire. Il se chargeait de contacter les anciens de l’OSS pour lancer les recherches.
Lors de notre conversation, et en feuilletant ses archives personnelles, il me dit : « voilà le genre d’inventaire que nous signions lors de la réception de notre propre équipement. »
En y regardant de plus près et dans la rubrique armement, il y avait un Pistolet automatique cal 45 M1911 n°592531 perçu le 10 février 1944.
J’ai tout de suite fait le rapprochement, le numéro du pistolet que j’avais retrouvé était le même que celui figurant sur l’inventaire !
C’était le Colt de Jean !
La surprise fut totale pour Jean, nous avons vérifié ensemble ces informations, plusieurs fois, et effectivement le numéro correspondait.
Nous avons alors refait le déroulement du combat.
Les premiers échanges sur la route… ensuite les deux allemands sur le dessus… les coups de feu… la grenade qui explose… et son souffle qui lui arrache son équipement…
Un éclat qui le blesse à la jambe et ensuite son repli vers le sommet de la montagne…
(c.f. témoignage de J.Kohn)
Nous concluons alors, que lors de l’explosion de la grenade, le souffle a certainement fait tomber son Colt et celui-ci est resté sur place pendant toutes ces années.
Je lui ai proposé de le lui restituer, il m’a répondu : Gardez-le !
Depuis je l’ai nettoyé et je le conserve précieusement. Merci Mr Kohn !
Voilà l’histoire du 45 de Jean telle que je l’ai vécue, avec beaucoup d’émotion. Car refaire le parcours de ces combattants venus de si loin pour nous libérer ne peut nous laisser indifférents.
Et comme dit Jean Kohn : « Ce fut pour nous notre 6 juin ! »
Quelques temps plus tard, je suis revenu sur les lieux pour faire de nouvelles recherches, prés d’un petit sentier, j’ai découvert une grenade Mills et plus surprenant encore, une paire de lunettes de moto ainsi qu’une montre.
Ayant suffisamment de connaissances sur les récits et témoignages concernant ce combat, j’ai rapproché ces nouveaux éléments avec André Abattut dit « Danton » qui s’était rendu sur les lieux du combat en moto. (c.f. témoignage de Danton) .
Il y fut blessé mais put se cacher pour échapper aux allemands.
Je l’ai questionné et effectivement l’endroit correspondait. Les lunettes sont exactement les mêmes que celles qu’il possédait à l’époque et la montre correspondait elle aussi.
Plus d’un demi siècle plus tard la terre m’a livré les vestiges d’un combat meurtrier ou un jeune Lieutenant américain qui s’appelait Paul Swank, a fait le sacrifice de sa vie, pour la libération de la France.
Son corps repose dans un tombeau au bord de la route sur laquelle il a été tué en protégeant le repli de ses camarades de combat.
Le Président de l’association des anciens
du maquis Jean Robert & Faïta