DANTON André Abattut
J’ai servi pendant 3 ans et demi dans l’armée de l’Air en Syrie. Un jour j’ai tenté de rejoindre les Anglais sur un affluent de l’Euphrate, mais ceux-ci ont fait feu sur nous, nous obligeant à faire demi-tour.
Lorsque j’ai été de retour en France (à Estagel), j’ai passé, à La Tour de France une visite médicale d’aptitude pour le STO. N’ayant pas envie de partir en Allemagne, j’ai décidé sur les conseils de mon cousin de Marseille d’intégrer la police française et ainsi d’échapper au STO.
A la suite de l’école de police, j’ai été nommé à Nîmes.
J’ai distribué des tracts hostiles à l’occupant. Un soir après avoir pris un paquet de tracts que j’avais dissimulé sous ma cape, j’ai été arrêté par la police Allemande. Mon supérieur Mr Serres, fit une intervention et me fit libérer…
Un jour alors que j’étais de garde dans l’ancienne savonnerie, où étaient stockées des armes saisies, j’ai dérobé deux pistolets de calibre 6,35 et 7,65 que je comptais remettre aux résistants locaux. Ceux-ci dépouillaient de temps en temps les policiers. Certainement dénoncé ou vu lors du vol, mon domicile fut fouillé par trois fois par la gestapo, sans résultat, les armes étaient bien cachées. Plus tard je les ai ramenées à Estagel. Suite à ces perquisitions, j’ai été invité à me rendre rue Gambetta accompagné par des miliciens. A ma grande surprise, j’ai appris que j’étais prisonnier volontaire.
Mis aux arrêts dans une chambre d’étudiant, j’ai profité d’un besoin urgent pour m’enfuir. Après avoir rejoint la gare de marchandise j’ai voyagé jusqu’à Narbonne grâce à la complicité de cheminots.
Là j’ai réussis à monter dans une camionnette chargée de foin jusqu’à Salses. J’ai regagné ensuite Estagel à pied, et enfin Caudiès de Fenouillèdes en vélo.
Pris en charge par Ribero, instituteur à Salvezines, j’ai été conduit au maquis Jean Robert.
De mon passage à Salvezines, j’ai récupéré une moto Royal Enfield que son propriétaire, ancien mécano de l’Armée de l’Air, ne parvenait pas à mettre en route, il me la donna en échange de sa réparation. Elle m’a servie pour toutes ses liaisons.
Un soir Ribero annonça un parachutage d’armes dans la région du Clat, le message était : «le palmier est une plante exotique». Il a été décidé de récupérer ces armes et un groupe a été envoyé au Clat.
Le terrain du Clat était situé à environ trois kilomètres à vol d’oiseau de la zone de parachutage (nom de code «Tunnel»), dédiée au maquis d’Aunat. Les avions en provenance d’Algérie devaient venir du sud-est et survoler en premier temps le détachement de Salvezines.
Ce soir là un autre message passa : «14 amis vous diront ce soir que la vertu reluit dans tous les yeux» annonçant le largage de 14 hommes ! Ils étaient destinés au maquis de Picaussel. Le maquis avait quitté sa position depuis l’attaque des allemands du 7 août 44, et s’était replié sur Quérigut. Le terrain du Clat étant situé sur la trajectoire de l’avion, celui-ci largua sur ce terrain.
J’étais du voyage et c’est moi qui fit le signal de largage : Un U en morse.
J’y suis parvenu en démontant un phare de traction avec lequel j’ai fait les signaux convenus. Un balisage de trois feux était mis en place et les avions après un premier passage sans larguer, lâchèrent leurs containers d’armes. Suivi ensuite d’un autre appareil qui vint larguer le commando Américain.
Ce fut la surprise totale car personne n’attendait des hommes. 14 Américains de la mission ‘Peg’ venaient de se poser sur le sol de France. C’était le 11 août 1944 vers 4 heures du matin. Après un moment de flottement dû à la surprise, où heureusement personne n’ouvrit le feu, un contact chaleureux avec les parachutistes fut établi.
La récupération du matériel prit un peu de temps et après une discussion animée avec Auriol qui voulait garder les armes, tout le monde se regroupa et le détachement, accompagné des Américains, finit par rejoindre Salvezines (en fait la ferme Nicolleau).
Quelques jours plus tard alors que j’étais de garde sur le pont de Quillan et après s’être accroché avec Bayard (Lajou) sur la position que j’occupais, Garrouste m’appris le combat des gorges de Cascabelle ou plusieurs maquisard de Puivert avaient trouvé la mort. Il fût décidé de couper le retour des Allemands vers Carcassonne. Le lieu choisi : les gorges d’Alet. Avec ma moto, j’ai pris la route jusqu’à Couiza, j’ai tourné vers La Serpent, pour rejoindre la route de Limoux. A l’entrée de la ville je me suis renseigné sur la présence éventuelle d’Allemands.
Précédant un camion chargé d’hommes et d’explosif, avec en selle un guérillero espagnol nommé Cordoba, je me suis avancé jusqu’au gorges d’Alet.
Une fois l’endroit choisi (lieu dit l’étroit d’Alet), avec les Américains au nombre de cinq : Lt Swank, Galley, Kohn, Frickey, et Veilleux et une dizaine d’hommes du maquis (Caplan, Montcalm, Moïse, Cordoba, Pépé, Danton.. et d’autres) nous avons surveillés la route et en empêchant toute circulation, à l’exception d’une voiture contenant un blessé. Les occupants de cette voiture, de l’avis de tous, ont certainement renseigné les Allemands sur la position du groupe.
La mission était de faire écrouler la falaise et ainsi bloquer la retraite aux Allemands.
Après l’explosion, le groupe se positionna sur les hauteurs de la route. Le résultat ne fut pas celui prévu, la route n’était pas totalement barrée. Le Lt Swank et moi même nous nous sommes avancés en moto vers les rochers pour voir le résultat.
Au même moment les Allemands arrivés sur place ouvrirent le feu les premiers.
J’ai abandonné ma moto en catastrophe et rejoignis un américain sur le talus (Georges ?), Swank et Galley restèrent au bord de la route pour couvrir le repli du commando. Il tirèrent coup par coup et ajustèrent leurs tirs, faisant des victimes dans les rangs ennemis.
Au bout d’un moment Je suis redescendu vers la route pour voir ce qu’il s’y passait et j’ai aperçu la camionnette Renault qui avait servie au transport entourée d’allemands. J’ai vu également des soldats autour du corps de Swank. J’ai tiré en remontant le talus sous le feu des Allemands. J’y ai retrouvé Georges lorsque plusieurs grenades nous arrivè- rent dessus, l’Américain en renvoya une mais une
seconde nous blessa tous les deux, moi à la cuisse et le soldat à la main.
Je me suis caché dans une anfractuosité de la roche et je me recouvert de branches en espérant échapper aux Allemands. Plusieurs soldats passèrent à proximité sans me voir.
Je n’avais pas mangé à ma faim depuis plusieurs jours et j’étais très affaibli par cette blessure, j’ai perdu plusieurs fois connaissance. A minuit alors que les cloches d’Alet sonnaient les douze coups, les Allemands décrochèrent et descendirent sur la route, ils s’affairèrent et discutèrent autour des camions qui pour l’occasion avaient été protégés par des sacs de farine.
Dans un sursaut de folie je me suis rapproché de la falaise et j’ai dégoupillé deux grenades que j’ai lancées sur la route, après quoi j’ai détalé vers le haut de la montagne sans connaître le résultat, puis j’ai perdu connaissance à nouveau.
Le petit matin m’a réveillé et après avoir appliqué un pansement US sur la plaie, j’ai repris mon ascension. Arrivé au sommet, j’ai aperçu une sentinelle, ne sachant pas de qui il s’agissait; j’ai préféré l’éviter et continuer ma route, puis près du ruisseau de l’autre côté de la montagne, j’ai aperçu un homme dans une vigne et je l’ai appelé. Soutenu par des femmes j’ai été conduis dans une ferme où j’ai pu manger et boire.
Peu de temps après, le Lt Jacques du corps franc Lorraine fut prévenu et est venu me récupérer.
Jacques m’a amené dans une maison située dans la région d’Alairac.
J’ai reçu les premiers soins d’un chirurgien qui tenta, sans anesthésie, de retirer l’éclat de métal que j’avais dans la cuisse, mais sans succès. Il finit par me recoudre.
Un nommé Nostre-Seigne, est venu me voir et m’a fait part de son souhait de me garder dans le corps franc. Mais Lazare et d’autres copains sont venus me récupérer pour m’amener à Limoux (le 20/08/44).
A mon arrivée, l’accueil fut grandiose, fanfare et population étaient là, ainsi que les hommes du commando Américain.
J’ai été transporté en civière par deux soldats US jusqu’à la boucherie Balateu où un grand repas fut donné, environ trente personnes à table, Américains et maquisards confondus. Je me souviens que c’était un fameux repas.
Après avoir été de nouveau opéré à Limoux et l’éclat finalement retiré, j’ai regagné mon domicile à Estagel où ma femme ne pensait plus me revoir vivant.
Ensuite, encore convalescent j’ai été appelé pour rejoindre l’état-major de la résistance à Carcassonne.