KELLER Pierre Killinger

KELLER Pierre KillingerKELLER Pierre KillingerKeller né le 7 10 1921 à Trinbach (Alsace)
En 1942, les Allemands mobilisent les Alsaciens des classes 19-20-21-22, en annonçant que ceux qui seraient tentés de fuir, leur famille seraient déportés.
J’ai été mobilisé le 7 octobre 1942 (j’avais 21 ans), nous avons été dirigés vers Rostok dans le nord de l’Allemagne.
Pendant trois mois j’ai suivi une formation militaire.
Ensuite j’ai été affecté à Stuttgart dans un régiment de cavalerie qui en fait était un régiment d’éclaireurs (aufklärungs abteilung 18) pendant trois mois.
Puis direction le front Russe. Ce fut Kuban près de la mer noire et ensuite Dnipropetrov’k. Notre mission était de couvrir le retrait de l’infanterie. C’était le début de la fin, une véritable boucherie c’était l’horreur totale, beaucoup de morts, des blessés qui criaient, les obus et les balles qui pleuvaient. Le plus stressant était le tir des orgues de Staline et la pluie de roquettes qui s’abattaient en suivant.

Keller à Kuban
Keller à Kuban (front russe)

La situation se dégradant de plus en plus, et les rangs s’éclaircissaient de plus en plus autour de moi, j’ai décidé de me tirer une balle dans le pied, pour m’échapper de cet enfer.
Je me suis caché derrière un buisson, mis du pain noir sur ma chaussure pour éviter les traces de poudre, pris mon Mauser et ai tiré une balle qui m’a traversé le pied gauche.
Après avoir été soigné, un infirmier m’a dit d’aller vers l’arrière où je trouverai un side-car qui transporte les blessés vers l’hôpital de campagne. En marchant je voyais le sang gicler à chaque pas par le trou de ma blessure. J’ai effectivement trouvé le side-car qui était déjà chargé de trois ou quatre blessés, j’ai pris place et nous nous sommes rendus dans un hôpital de campagne.
Là après avoir reçu des soins j’ai pu enfin me reposer et dormir couché dans de la paille. J’ai su plus tard que c’était le 1er novembre 1943.
Lorsqu’on m’a demandé comment j’avais été blessé, j’ai dit qu’une balle m’a touché au pied au moment ou je plongeais pour me mettre à l’abri dans un
fossé.J’ai été rapatrié par avion, un Junker 52, vers Odessa. J’y suis resté quelques jours en attendant un train sanitaire pour l’Allemagne. Lorsque le train est arrivé j’étais avec un copain et on nous a mis à chacun une étiquette LZL (liegend) pour moi et LZS (sitzend) pour lui. Nous avons compris le sens lorsqu’on nous a séparés. LZL veut dire voyageur couché, LZS veut dire voyageur assis ! Nous sommes
arrivés à Lemberg (frontière tchèque).
J’ai été hospitalisé 1 mois et ensuite retour à la compagnie pour reformer le régiment à Stuttgart. Nouveau départ cette fois pour Prague, et de là direction la France par train. Lors d’un arrêt en Avignon, suite à une attaque aérienne, l’envie de déserter m’a repris, sur les conseil d’un cheminot j’ai renoncé, il m’a dit d’aller le plus loin possible, c’est à dire vers Béziers. J’ai continué et nous avons été affecté à Saint-Pierre, là j’ai connu Gustave Lucille, qui avait été requis par les allemands et s’occupait du ravitaillement.
Mon capitaine me chargea, puisque je parlais le français, de me joindre à Mr Lucille pour aller acheter le ravitaillement. Après avoir gagné la confiance de Gustave, il m’a fait rencontrer Eugène et Mr Siné (le pépiniériste) et ils m’ont aidé à obtenir de faux papiers.
Je me suis débarrassé de mon uniforme et mis des vêtements civils, j’ai déserté et me suis installé à l’hôtel Sala, pendant 48 heures. Les Allemands étaient eux aussi dans l’hôtel et je les voyais passer sous ma fenêtre.
Au troisième jour Gustave m’a conduit route de Saint- Estève ou caché dans des roseaux j’ai attendu. Plus tard sa femme et lui m’ont récupéré dans une ambulance et nous nous sommes dirigés en direction de Saint Paul de Fenouillet et de Caudiès.
Keller et des camaradesLà quelqu’un m’a pris en charge et m’a conduit au maquis. Après quinze jours de quarantaine j’ai été admis au maquis. C’était en Juin 1944.

Keller et des camaradesLes diverses aventures vécues au maquis et la poursuite de la guerre en Allemagne sont, par rapport à ce que j’ai connu avec l’armée allemande en Russie, sans commune mesure. La vie sur le front Russe était très dure, nous étions sales, couverts de poux et la mort constamment présente. J’ai été aussi déclaré deux fois disparu par les Allemands qui l’on annoncé à ma mère. Imaginez sa surprise lorsque j’ai réapparu.
A la suite de ma désertion les Allemands m’ont cherché dans toute la région. Heureusement j’ai pu leur y échapper.

Keller et La Vache
Keller et La Vache (Marchal Eugène à gauche)