MARTI Jean Daras

Marti Jean DarasJean DarasEn 1941, j’étais militant du parti communiste à Narbonne. Avec des camarades nous distribuions des tracts, et nous avons été arrêté par la police française et avons été condamné à des peines diverses, moi j’ai pris 1 an de prison. J’ai été interné à Montpellier, certains à Nîmes, d’autres ont été déportés. Les camarades de Nîmes deviendront les futurs cadres des maquis régionaux. A ma libération, le gardien chef m’a envoyé à la préfecture pour récupérer ma carte d’alimentation. Un chef de service m’a reçu et parlé.
A la fin il m’a dit : «Mon petit rentre chez toi et tu sais ce que tu as à faire….» Il me l’a répété deux ou trois fois.
Les gendarmes sont venus me chercher et m’ont envoyé en résidence surveillée à Quillan.

Je travaillais chez un boulanger. De temps en temps Marta passait nous voir et j’en profitais pour lui donner du pain en cachette. Il descendait de temps en temps pour faire des liaisons, il était accompagné d’un homme qui s’appelait Lulu. Peu de temps après je suis parti au maquis avec eux, car j’avais peur de me faire prendre dans une rafle. Lorsque je suis arrivé Marta m’a demandé mon nom de guerre, je n’en avais pas, alors il m’a dit : «Tu sera Marti !».
Là haut il y avait le chef Gaston, il était très dur et avait en permanence son pistolet en main ! Il fallait quand même un peu de discipline pour maîtriser tous ces jeunes.

Accrochage de Couiza

Un soir, nous sommes partis dans deux voitures, Lazare et moi dans la 1ère, Danton, Caplan, Louis dans la 2ème. Alors que nous étions en route pour chercher un milicien à Rennes les Bains, nous sommes tombés sur un barrage allemand à l’entrée de Couiza.
Un soldat s’est approché de la voiture, j’ai fait feu avec ma mitraillette et il s’est écroulé contre la portière. Instantanément les allemands ont riposté vivement, les vitres de l’auto ont volé en éclats, me blessant légèrement dans le dos, occupé que j’étais à essayer d’ouvrir la portière bloquée par le soldat.
Louis a, également, ouvert le feu généreusement au risque de nous toucher Lazare ou moi. Tout le monde s’est échappé sous le tir des armes allemandes en laissant les véhicules sur place. J’ai tiré quelques rafales et j’ai couru au travers du cimetière, me cassant la figure plusieurs fois. Quand je suis arrivé dans les bois j’ai vu des hommes, je me suis dit : «Macari des allemands !» en fait c’était Caplan et Louis. Il était tard et malgré la nuit, nous avons marché à travers la montagne et au petit matin on est arrivé exactement à Lapradelle.
L’accrochage fut bref, mais les allemands ont continué à tirer longtemps et ont finalement incendié les voitures.
Pour la petite histoire, la 2ème auto a été confisquée par Lazare, quand nous sommes passés à Quillan, à des jeunes qui faisaient les fous en se faisant passer pour des maquisards, malheureusement elle n’est pas allée très loin !

Parachutage du Clat

Jean-Louis était le chef du dispositif. C’était lui qui était au courant du parachutage. Nous sommes partis à une quinzaine (Jean-Louis, Danton, Rousseau, Soulié, Lazare, Ratabouil, moi et d’autres…) avec un petit camion et des voitures au lieu dit «Plan Prunier» prés du Clat. Nous nous sommes positionnés et préparé les feux de signalisation.
Vers 1 heure du matin, nous avons entendu un avion et nous avons allumé le balisage. Après avoir tourné, l’avion a largué ses containers. Nous étions occupés à récupérer le matériel, lorsqu’un 2ème appareil s’est fait entendre. Nous avons rallumés les feux rapidement et il a largué à son tour.
C’était les Américains !
J’ai dû faire un pas de côté pour éviter d’en prendre un dessus. Sitôt posé, il m’a demandé le mot de passe en brandissant un Colt 45, dans l’impossibilité de répondre j’ai simplement dit :
«Le palmier est une plante exotique» qui était le message annonçant le parachutage,
«C’est pas ça !» m’a-t-il répondu,
alors je me suis écrié : «Forces Françaises de l’Intérieur !»
Et il m’a serré la main. J’ai aussi crié : «Ne tirez pas ce sont des Américains !»
Heureusement la nuit était claire et personne n’a tiré. Je l’ai ensuite conduit à Jean-Louis.
Nous sommes ensuite rentrés vers Salvezines.

Combat d’Alet

Régulièrement j’accompagnais Danton sur sa moto, et ce jour là j’étais chez une fille, ce qui m’a valu de ne pas y aller. Lorsqu’on m’a appelé pour rejoindre le groupe, Pépé s’est écrié :
«Il n’est pas là, c’est moi qui le remplace !»
A son retour il m’a traité de tous les noms.
Il y avait Lazare, Moïse, Danton, Montcalm, Pépé, Cordoba et d’autres plus 5 américains.

La mort de Marta

MartaNous étions en route pour une mission vers Saint Paul de Fenouillet, nous étions 5 dans la voiture: Lazare, Prosper, Moïse, Marta et moi. Sur la route nous avons vu un véhicule arriver, pensant avoir affaire à des allemands, nous nous sommes arrêtés et sommes sortis rapidement de chaque côté pour se mettre à couvert.
Quand Marta est sorti, son pistolet qu’il avait glissé dans sa ceinture est tombé et le coup est parti. La balle s’est logée dans la tête le tuant instantanément. Nous l’avons ramené au camp, en arrivant les américains qui étaient là, ont aux ordres de leur sergent rendu les honneurs. J’étais très ami avec Marta…

La vie au maquis

Le soir au camp nous chantions et il y avait une bonne ambiance. Lulu avait une voix magnifique qui nous donnait la chair de poule. Bonnot chantait aussi. A la nuit tombée, nous allions à la maison forestière et au matin nous regagnions le camp. Rouvier nous préparais le café. Il avait la soixantaine et était notre cuisinier. Le menu était tout les jours le même : des pâtes. Alors tous les jours nous lui chantions :
«Des nouilles à la Rouvier, on a à marre d’en bouffer». Pauvre Rouvier, il était bon avec nous.

Capture d’un milicien

Nous sommes partis Danton, Marta et moi pour Quillan afin de capturer un milicien qui s’appelait A… Pour l’approcher, Danton en uniforme de policier a demandé à deux filles proches du milicien, si elles pouvaient le renseigner sur le maquis. L’une d’elles, nommée Eliette, lui dit qu’elle avait rendez-vous avec A… au bar le Terminus face à la gare.
Nous avons décidé d’aller le faire prisonnier là-bas.
Il a été décidé que je passerai par l’entrée et Marta par l’arrière. Je suis entré dans le bar et lorsqu’il m’a vu, il a essayé de sortir son arme. Heureusement c’était un révolver à barillet et il a été un peu gêné par ses vêtements. Je l’ai arrêté et nous l’avons ramené au camp.
Le lendemain matin il était fusillé à la ferme Nicoleau ! Un autre a été abattu à Saint Paul de Fenouillet. C’est M… qui l’a descendu.
Le 3ème était de Montfort et à subi le même sort.

Anecdote

Une fois avec Lazare nous sommes partis pour Tuchan, à l’entrée du village nous nous sommes arrêtés afin de laisser la voiture à l’extérieur du village.
Nous avions faim et une vigne à côté avait de beaux raisins, nous étions en train d’en manger lorsque le garde champêtre est arrivé et voulait nous verbaliser. Il nous dit :
– «Qu’est ce que vous faites là, je vais vous mettre un procès verbal !»
Je lui ai répondu :
– «J’ai faim et je mange».
– «Foutez-moi le camp» hurla t il
– «Attendez», lui dis je.
Je suis allé à l’auto prendre ma mitraillette et je lui ai dit :
– « Tu sais ce que c’est ça ?»
– «Hé bé alors continuez».

Une autre fois avec Jonquille en rentrant à Salvezines vers 2 heures du matin au lieu dit La Faurie, nous voyons arriver un camion chargé d’hommes. Pensant que c’étaient des allemands, nous sommes montés sur le talus, prés à leur jeter des grenades. C’était en fait des maquisards, nous en avons été quitte pour une bonne peur.

Jean Daras